S’unir en Amérique latine pour combattre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains

12 December 2017

  • « C’est formidable de voir l’engagement envers les connaissances mutuelles. »
  • « C’est très transformateur — un rassemblement de différents pays et de différentes églises dans le même objectif avec une rencontre des énergies. »
  • « Par le partage des compétences et de l’expérience, nous donnons et nous recevons. »
  • « La réunion était une excellente occasion de nous connecter et de renforcer l’implication de l’église locale dans le travail de prévention et de plaidoyer. »

Voilà quelques-unes des réflexions du groupe qui s’est réuni à Brasilia la semaine dernière lors de l’Atelier de l’Amérique latine sur la traite des êtres humains, qui s’est tenu à Brasilia du 6 au 11 novembre, organisé par l’Alliance anglicane et l’Armée du Salut, et dont la dernière journée s’est tenue de concert avec Caritas Internationalis et COATNET, son réseau mondial de lutte contre la traite des êtres humains.

C’était la troisième consultation régionale organisée par l’Alliance anglicane et l’Armée du Salut. La réunion a rassemblé des leaders des Églises anglicanes et épiscopales et de l’Armée du Salut en Amérique latine. Les participants des deux dénominations venaient du Mexique, du Pérou, du Costa Rica, du Salvador, du Panama, du Venezuela, du Paraguay, de l’Argentine, du Chili et du Brésil. Il y avait également des participants de l’Église d’Angleterre et de l’Église du Canada qui ont partagé leur expérience du travail sur la traite des êtres humains et la migration dans leurs propres provinces.

La consultation a entendu des témoignages sur le remarquable ministère des divers participants, qui ont œuvré pour mettre fin à la souffrance engendrée par la traite des êtres humains dans leurs propres contextes. Parmi ces exemples, il y avait : le travail de prévention au sein des communautés, notamment des initiatives auprès des jeunes pour leur permettre de devenir des éducateurs pour leurs pairs ; le plaidoyer pour s’assurer que les gouvernements remplissent leurs obligations légales en matière de protection et de soutien à l’égard des victimes ; soutenir les processus de poursuites ; aider les personnes à sortir de l’esclavage et à accéder aux services ; la protection des jeunes personnes qui avaient été introduites de force dans des gangs ; maintenir une présence pastorale dans les « quartiers rouges » pour aider les travailleurs du sexe (y compris les victimes de la traite) à imaginer des options d’avenir et à s’équiper pour d’autres modes de subsistance ; offrir une assistance pratique aux personnes introduites clandestinement à travers les frontières et qui risquent d’être victimes des trafiquants.

La réunion a débuté par une réflexion biblique menée par le Prof. Paulo Ueti, animateur de l’Alliance anglicane pour l’Amérique latine. « Ne vous conformez pas au monde actuel, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. » (Romains 12 ; 2). Ce verset résonne tout particulièrement dans le contexte de l’esclavage moderne et de la traite des êtres humains.

Le groupe s’est penché sur la façon dont « se conformer au monde actuel » signifie être complice dans une forme de consumérisme où même les êtres humains sont à vendre, où cela signifie se conformer à ce que le Pape François a appelé « la mondialisation de l’indifférence. » Être transformé, c’est voir à nouveau, renouveler son esprit et sa perspective ; voir avec les yeux de Dieu. Nous sommes appelés à dénoncer la traite des êtres humains avec un engagement prophétique et à bâtir une société qui se sent concernée.

Le groupe a entendu une survivante des Caraïbes qui avait essayé de rejoindre ses enfants aux États-Unis, mais qui, au lieu de cela, avait été forcée dans la servitude domestique et sexuelle au Brésil par des trafiquants. Son récit a révélé les complexités juridiques et psychologiques du rétablissement et de la réadaptation après un tel traumatisme.

La réunion a également entendu un représentant de l’Institut brésilien pour la Migration et les droits de l’homme qui a parlé d’un groupe de 22 hommes du Bangladesh pris pour travailler comme ouvriers dans des conditions épouvantables, que le droit brésilien décrit comme étant « des conditions analogues à l’esclavage ». Les hommes croyaient qu’ils devaient à leur chef de bande leur nourriture, leur logement et leur transport — ils pensaient qu’en fait, c’était ça leur travail. Ils espéraient travailler suffisamment pour obtenir de vrais papiers. Depuis qu’ils ont été secourus, l’Institut les a aidés à comprendre leur situation, à avoir légalement accès à la justice, puis à déterminer leurs aspirations pour l’avenir. La communauté a aidé la situation des hommes avec des dons pour répondre à leurs besoins fondamentaux, et des bénévoles leur ont offert des leçons de Portugais — deux activités auxquelles les églises locales peuvent participer.

La consultation avait pour objectif de renforcer la capacité de l’église pour une intervention efficace sur la traite des êtres humains dans toute l’Amérique latine. Son but était de définir les meilleures pratiques, axées sur la prévention, mais également la prise en charge des survivants et leur soutien, et le travail de politique et de plaidoyer.

Le problème de la traite/de l’esclavage est une crise mondiale croissante. De récentes estimations indiquent que 40 à 45 millions de personnes sont opprimées et réduites à l’esclavage dans presque toutes les régions du monde, y compris en Amérique latine et entre l’Amérique latine et d’autres régions. La question a été soulevée en priorité dans toutes les consultations régionales de l’Alliance anglicane.

La consultation a étudié les tendances de l’esclavage moderne et de la traite des êtres humains en Amérique latine et considéré certains aspects, tels que le travail, l’exploitation sexuelle, la servitude domestique, la traite des enfants, la traite par la mer, la traite dans les gangs, et le trafic d’organes. Par ailleurs, les participants ont discuté des meilleures pratiques pour les interventions efficaces des églises.

Les discussions étaient basées sur le cadre stratégique élaboré par l’Alliance anglicane et l’Armée du Salut qui s’appelle « Les 7 P » :

  • La Prévention : une conscientisation dans les églises et les communautés, des programmes de prévention axés sur la demande et la réduction de la vulnérabilité.
  • La Protection : des dispositions de sortie pour sortir les victimes de l’esclavage, des refuges, des dispositions à l’égard des besoins immédiats, des logements à moyen terme, et une réadaptation à long terme, la prévention d’une répétition de la traite, la réunification et le rapatriement ou la réinstallation.
  • Les Poursuites : un renvoi vers des conseils juridiques, l’accompagnement des survivants durant les processus juridiques.
  • Le Partenariat : avec d’autres églises et d’autres agences — les ONG, le gouvernement, les organes des Nations unies.
  • La Politique : un plaidoyer à l’échelle locale, régionale et nationale pour voir l’adoption et la mise en œuvre d’une politique et d’une législation efficaces afin d’aboutir à un changement du système pour prévenir la traite ou la réduire.
  • La Participation : encourager l’intervention individuelle et collective à tous les échelons des églises, y compris en commémorant le Dimanche de la liberté.
  • La Prière : individuellement et collectivement pour voir un changement et demander conseil à Dieu et obtenir sa bénédiction pour le travail.

Les 7 P envisagent une réponse holistique à la traite des êtres humains. Les participants ont conclu que l’Église n’avait pas besoin de s’impliquer dans chaque élément. Au lieu de cela, elle peut identifier les autres agences impliquées et cerner les lacunes où les églises peuvent ajouter de la valeur. Grâce à leur présence au sein des communautés, les églises ont un rôle essentiel pour renforcer la conscientisation afin d’aider à prévenir la traite, ainsi que pour mettre les victimes en contact avec les autorités à même de les secourir en toute sécurité. Un rapport offrant des précisions sur les consultations et les résultats sera bientôt disponible.

Le dernier jour, les participants ont rejoint des collègues de l’organisation catholique romaine Caritas, et plus généralement du COATNET — le réseau des organisations chrétiennes de lutte contre la traite convoqué par Caritas Internationalis. Les deux réunions ont été organisées consécutivement pour que les délégués puissent profiter des connaissances les uns des autres et participer mutuellement aux réunions de chacun.

Pour l’avenir, les membres du groupe ont décidé de rester en contact par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ils encourageront aussi les provinces et les diocèses à s’engager, notamment à créer des ressources pour le Dimanche de la liberté spécifiquement pour la région.

Paulo a dit que : « La réunion marque un moment crucial dans une réponse confessionnelle à l’entreprise diabolique que sont la traite et l’esclavage. La réponse doit être pleine de courage, de prophétie et d’efficacité. Les églises ont une place privilégiée pour contribuer à mettre fin à la traite et à l’esclavage. »